Comment débute l’aventure Ludwig ?

Karim : Ludwig ça débute en banlieue parisienne un peu lointaine, du côté de Boissy Saint-Léger. On était au bahut et l’on voulait faire de la musique… On a commencé pour s’amuser…

À ce moment, on est en quelle année ?

Karim : Là on est en 1983, début 83. 1981 a été une date importante, avec notamment la libération des ondes. Jusque-là, la bande F.M. c’était uniquement cinq ou six radios dont une qui passait vaguement de la musique pour jeunes de temps en temps, et tout d’un coup, PAF  !, on voit (entend  ?) des radios partout. Pendant un an, il y avait des radios qui se créaient tous les jours, et autant d’émissions de punk, de new wave, genre Virgin Prunes, Bauhaus…

Bat cave ?

Karim : Oui bat cave, des émissions très variées, sur tout ce qui bougeait. On écoutait de la musique punk, d’autres choses plus glauques genre Virgin Prunes, et l’on s’est dit, on va faire un groupe punk…

La filiation n’est pas évidente entre Virgin Prunes et Ludwig ?

Karim : Non, non ça n’a rien à voir  ! C’est ce qu’on écoutait. On a fait un groupe avec un type qui s’appelait Olaf, qui avait joué avec les Béruriers. Pas les Bérurier Noir, les Béruriers qui après sont devenus les Bérurier Noir. Il avait écrit pas mal de chansons pour eux, comme “La mort au choix”. On s’est retrouvé à jouer avec les Bérus à Emerainville, c’était, je pense notre premier concert et l’on a continué pour le plaisir, parce qu’on s’amusait vraiment. Ça s’est construit au fur et à mesure, il n’y avait pas une volonté générale pour faire quelque chose de précis, mais tout d’un coup il y a eu une sorte de courant de liberté, on s’est dit  : on peut le faire. On a eu un plan pour enregistrer dans un studio qui était à l’époque un studio de luxe, sous le Palais des Congrès, parce qu’on avait un pote qui était assistant ingénieur, qui depuis a beaucoup travaillé avec N.T.M., Sergent Garcia… À l’époque, il débutait et il nous a dit  : “on peut aller dans le studio les week-ends et les nuits, ça ne coûtera que dalle ”. Du coup on s’est dit  : “ on fait un disque  !”. On ne savait pas jouer, on ne sait toujours pas, mais ce n’était pas grave. On ne connaissait rien aux studios, mais on a fait notre premier disque, et on l’a emmené à Bondage.

Ce n’est pas votre premier enregistrement ?

Karim : On avait déjà fait un 45 tours, enregistré avec un magnéto K7 dans le local de répète… C’est le frère du bassiste de l’époque, qui était journaliste et qui maintenant travaille aux Inrock, Jean-Luc Mannet, qui nous avait dit “ c’est bien ce que vous faites, je vous avance la thune pour faire le disque ”. Ce n’était pas un investissement énorme. L’enregistrement studio c’est “Houlala  !” avec un son qui était assez roots. On l’a fait sans se poser de questions. C’était instinctif  : on peut le faire, on a envie de le faire, on le fait.

Cet album est très éclectique, très fun… ?

Karim : Les paroles ne sont pas toujours funs… On voulait faire du punk, de la provocation. La musique, c’est génial, parce que tu fais ce que tu veux, ce que tu peux. Tu as un espace de liberté, à toi de le prendre. Plutôt que de s’enfermer dans un style, nous, on voulait explorer plein de choses différentes, après, les gens suivaient ou pas. On voulait faire du punk, mais on ne voulait pas refaire ce que faisaient les anglais. Cela a toujours été un délire, un plaisir, une sorte d’exploration. On peut s’amuser à faire des morceaux complètement cons, alors faisons le. Dans le studio, il y avait plein de matos, c’était un peu la teuf, les gens passaient… On n’était pas du tout dans une logique de calcul, où il fallait être pros, nous on en avait rien à foutre d’être pros  ! On ne voulait pas vivre de ça, on n’avait rien à prouver… À part à nous, on voulait juste avoir quelque chose qui nous convienne. Avec le recul, ce n’est pas toujours à la hauteur techniquement, ceci dit peu importe. La différence avec aujourd’hui c’est que c’était vraiment une époque de création, il n’y avait pas de salles, pas de structures, donc on y allait, on galérait, on découvrait… Vous signez directement chez Bondage parce que c’est la famille ? Karim : On les connaissait vaguement, on avait fait quelques concerts avec eux. D’ailleurs on n’a rien signé, ce qui plus tard a foutu la merde… C’était le label bien, on est allé les voir, on a rencontré Philippe, Jean-Yves… Chez Bondage, il n’y avait pas de contrat, ça marchait à la confiance, ce qui a très bien fonctionné jusqu’à ce qu’ils soient rachetés par des gros cons. En général, on tournait souvent entre groupes Bondage, parce qu’on était des potes.

Houlala a eu un écho très favorable ?

Karim : À l’époque il n’y avait que dalle au niveau sortie de disques… Il n’y avait pas grand-chose, les groupes français étaient rares, c’était compliqué de les voir sur scène, et souvent ce n’était pas très bon. Quand Indochine a sorti “L’aventurier”, on trouvait cela original, il y avait Warum Joe, les groupes qui sortaient chez New Rose, La Souris Déglinguée qui étaient vraiment bien, mais il n’y avait qu’un disque qui sortait tous les mois. Quand les Bérurier Noir, Ludwig Von 88 et Washington Dead Cats sont arrivés, il y avait vraiment eu quelque chose qui parlait aux gens, dont ils se sentaient plus proches, car ils comprenaient les paroles. Les disques n’étaient pas chers, quand Houlala est sorti à la FNAC, ils s’étaient trompés dans les prix, il était à 33 francs  ! C’était cool, les gens ont vachement accroché tout de suite. Nous on partait du principe que l’on était comme le public. À l’époque un concert à 50 francs c’était cher, alors on faisait des petits prix, même chose pour les disques. On s’en foutait, on ne vivait pas de ça, quand on avait de la thune, on achetait un camion, une guitare, on ne savait même pas ce qu’était l’intermittence. Le but, c’était de faire de la musique, d’avoir un contact avec les gens sur les concerts.

Quel âge aviez-vous à l’époque ?

Karim : En 1983, j’avais 19 ans les autres entre 18 et 22… On était plus ou moins punks. De toute façon, à l’époque, quand ça a commencé à bouger, il y avait plein de groupes qui se sont formés, et qui étaient tous reliés par cette idée d’alternative. Mais l’alternatif n’était pas un courant musical, c’était une opposition à ce que l’on avait avant, c’est-à-dire les formats officiels, les maisons de disques qui prenaient des groupes, qui voulaient leur faire faire soit du Trust soit du Téléphone, parce que c’étaient les groupes qui marchaient. Eux, c’était business, “Top 50”, les restes des années 50/60 avec Barclay et Cie. Il n’y avait rien d’organisé, c’était l’arnaque partout… Nous, c’était  : “ on est alternatif, car on refuse ce système officiel pourri, composé uniquement de gens qui n’ont rien à voir avec les jeunes ”. C’était un peu pareil dans la presse, ils ont un peu suivi, mais ils ont eu du mal au début. Tous les journaux étaient largués, pas uniquement sur les Ludwig, mais sur tous ces genres de groupes, Béru, Washington Dead Cats… Les plus ouverts c’était les gens de Rock’n’Folk, Best, mais ils étaient bloqués sur le Velvet Underground, Les Stones… C’était dur de leur faire comprendre qu’il y avait autre chose. Quand on a commencé, Rock’n’Folk avait dix ans de retard… Maintenant ils en ont 30  ! On avait fait une interview pour les Inrocks, un des premiers numéros, et le journaliste nous engueulait car on répondait n’importe quoi aux questions  : “ ce n’est pas sérieux, qu’est ce que vous voulez que je mette dans mon article ? -ben tu mets ce qu’on te répond…  !” C’est devenu très intello, un peu fashion. Ces gens-là ont complètement raté le coche du mouvement alternatif. Ils n’étaient pas du tout sur cette longueur d’onde, ils étaient probablement trop vieux, même si c’est con, car il y a eu aussi des vieux dans le mouvement. Ils étaient bornés sur la musique des années 70, le glitter, les rock stars qu’il faut respecter. Nous on est arrivé en disant  : “on n’est pas des stars, foutez nous la paix, on ne veut pas avoir notre nom sur un monument, on s’en fout  !” Et ça c’était un peu blasphème. Il n’y a pas besoin de donner une valeur factice à la musique, elle a de la valeur dans ce qu’elle est, pas besoin d’intellectualiser quelque chose qui n’est pas intellectuel, c’est de la musique populaire. Quand le disque est sorti, la réaction de la presse a été “ waow  !!   ! qu’est que c’est que cette merde ? Satan est là, les mecs ne sont pas sérieux, ils font des fausses notes, ils ne vont jamais y arriver…”. Et puis ça a décollé, ça a balayé ce coté un peu establishment.

Vous avez tourné beaucoup tout de suite ?

Karim : Non, car il n’y avait pas de réseaux. On faisait 20 ou 30 concerts par an, suivant les opportunités, dans des squats, des salles des fêtes, le plus souvent organisés par des bandes de jeunes. “-  Combien vous prenez ? -On verra…  !!” Il y avait comme une sorte d’émulation à travers le pays   : ils l’ont fait, nous aussi on va organiser un concert, on va faire un groupe. À l’époque il y avait plein de gens qui fonctionnaient comme ça qui ne voulaient pas forcément faire du business. Pour envoyer les affiches, on s’appelait, on les mettait dans le train et le mec venait les récupérer à l’arrivée, maintenant les flics te feraient sauter le paquet  ! Tout d’un coup, c’est passé d’un monde lointain, inaccessible, avec des grosses maisons de disques, des grosses salles de concert, à quelque chose que tout le monde pouvait faire. En six ans, ça c’est structuré, ça a débouché sur une reconnaissance, et finalement, les mairies ont dit  : “OK, on va vous payer des salles”.

Vous enregistrez “Houlala 2, la mission” en 1987 ?

Karim : Là aussi, on a eu un plan studio la nuit, pas cher… C’était une période super sympa, on se retrouvait dans des studios super classe, la nuit. Souvent il y avait des séances à côté… Julie Piétri, Trust… Rires…. Certains étaient super sympas, d’autres très cons, mais en général ça allait. Bernie venait nous voir pour savoir si on n’avait pas du shit à fumer… “non Monsieur, on ne touche pas à cela…” Cet album est mieux enregistré que le précédent, un peu plus délire aussi. On avait vraiment du temps, on y passait des nuits et des nuits. Le disque, on a dû l’enregistrer sur un an. Comme on fonctionnait avec des plans “ce soir il n’y a personne au studio, vous voulez venir ?”, des fois, on faisait deux séances dans la semaine, parfois une par mois… Quand on a enregistré “Houlala II” on s’est dit  : “être punk c’est provoquer et qu’est ce qu’il y a de plus punk que de provoquer les punks ? On va faire des chansons pour faire chier les punks…” Enfin pas vraiment pour les faire chier… Donc on a fait “Nous sommes des babas” uniquement pour ça, “30 millions d’amis” une chanson pour mômes… Dans ce grand studio de luxe, il y avait un clavecin… On a mis du clavecin  ! On a fait un morceau supposé médiéval… Les journalistes dont on parlait, en 86/87 quand ils vont entendre ça, ils vont sauter au plafond  ! -”Qu’as tu fais de la musique mon fils ? Directement sur le bûcher, au pilori pendant trois mois, et à coups de hache après  !! “

À quel moment intervient le changement de formation ?

Karim : Nous on a commencé en 1983, et, au fur et à mesure, assez rapidement il y en a un qui est parti, un autre qui est revenu. On a une formation sur les deux premiers albums avec deux chanteurs, un bassiste et Bruno le guitariste. Le chanteur est parti à l’armée, il n’est jamais revenu, le bassiste est parti… On l’a un peu jeté, il se prenait quand même pour une star… C’est François, qui s’occupait des artifices et des concerts qui a pris la basse et l’on est resté comme cela jusqu’en 1990-91. François est parti pour jouer avec Raymonde et les blancs-becs, et Charlu qui jouait de la basse dans Nuclear Device, qui n’existait plus, est venu le remplacer. À partir de 1987 vous sortez beaucoup de 45 tours et de maxi ? Karim : “3 petits keupons” c’est à la suite des manifs anti-Devaquet. On a trouvé ça drôle de faire du Walt Disney avec Pasqua mais on l’a jamais joué sur scène car c’était trop dur, trop compliqué. C’était par rapport à toutes ces manifs, à tous ces problèmes avec les keufs, on avait pris quelques coups de matraque. Il y a eu un mort, et il y a aussi beaucoup de coups de coups de matraque qui n’ont pas tué de gens mais qui leur ont fait mal… C’était assez violent.

En 1988, vous sortez les maxi 45 tours “Guerrier Balouba” et “Sprint”…

Karim : À cette époque, on arrête d’enregistrer avec Cyril, et on rencontre Mix-it le studio tenu par Eric Débris. Il y a donc une partie du maxi “Guerrier Balouba” qui est faite à Mix-it. “Sprint” c’est “tiens, on va faire un disque sur les Jeux Olympiques, cela n’a jamais été fait, ça va être la baston générale”. Avant les jeux, il y avait plein de manifs à Séoul, donc on a voulu faire un truc sur le sport en se foutant un peu de la gueule des sportifs et surtout des médias.

Là, ça dénonce, ça balance…

Karim : Ouais ça y va  ! C’était une super expérience. Bondage a avancé la somme pour le studio. On a composé tous les morceaux en un mois. On a dit à Philippe de Bondage : “il nous faut une semaine de studio, et on sort le disque dans trois mois”. OK  ! C’était vraiment fun, sans trop de calcul, un peu comme “3 petits keupons”, un disque en réaction à l’actualité. On voulait faire un disque, on l’enregistrait et on le sortait deux mois après. Maintenant c’est plus compliqué, il y a plus de disques, donc il faut prévoir la date de sortie, prévenir les boutiques… On ne se posait pas de questions, c’était un truc génial, on veut le faire, on va le faire, on va speeder et puis c’était réglé  !… Avec le morceau “Myke Tyson”, on a été un des premiers groupes à faire du rap  ! Même avant N.T.M., mais après Sydney  ! On était content, on a bien rigolé, c’est un bon disque, ça balance comme tu dis, c’était vraiment le truc instinctif, sans calculer combien on allait en vendre.

C’était quoi les ventes en gros ?

Karim : Je n’en sais rien… Les deux albums ont dû être vendus entre 100 et 200.000 exemplaires. Jusqu’à aujourd’hui. Mais à l’époque il n’y avait pas beaucoup de choix, c’était moins cher. On attend toujours la cérémonie des disques d’or… Rires…

Comment se passait la composition ?

Karim : En répète. On passait quatre heures par jour en répète, et le soir je faisais des paroles. Pour la musique, en général soit l’un arrivait avec une base ou un morceau entier, soit on se disait, tiens on va faire un truc. Des fois, ça ne donnait rien, et tout d’un coup, “waouw c’est super bien  !”, c’était une évidence pour tout le monde.

“LSD for Ethiopie” en 1990, la démarche est intéressante… ?

Karim : C’est notre contribution aux chansons de soutien à l’Ethiopie parce qu’apparemment c’était très à la mode… C’était surtout de la provo, parce qu’il y avait quand même des grosses magouilles par rapport à tout ce business de soutien. D’un côté c’est bien car ça va attirer l’attention de plein de gens qui ne feraient jamais rien, d’un autre côté c’est un peu la manière de se donner bonne conscience et de faire du fric sur le dos de ces pauvres… C’est comme Elton John et le morceau “Candle in the wind”, [morceau écrit suite au décès de Lady Diana, NDA], qui avait dit qu’il ne prendrait aucun argent dessus alors que la face B est un morceau à lui [sur lequel il a touché des royalties, NDA]. Il y avait une chanson sur l’Afrique qui dénonçait un peu toutes les dictatures et le soutien aux dictatures. La France est très douée pour ça, le post-colonialisme fonctionne bien. C’est un peu la marque de fabrique de Ludwig le côté fun et, régulièrement des petits trucs qui montrent une certaine conscience politique. On n’est pas dans le groupe à slogans comme Bérurier Noir  ? Karim : C’était moins premier degré, c’est sûr… Comme je te le disais, dans Ludwig Von 88 notre truc c’était de faire ce que l’on voulait. Quand on avait envie d’écrire des chansons connes, quand on avait envie de chanter “  nous sommes des babas”, ou d’autres chansons plus engagées comme “ Africa Vice”, on le faisait. Ça peut cohabiter, on peut faire du premier, du deuxième degré, du dixième degré si l’on veut… Il y a plein de groupes, et pas forcément dans la musique qui, en créant se mettent des barrières, essayent de respecter tel ou tel truc, c’est souvent inconscient… Nous on était dans le délire contraire, on considérait la musique comme un espace de liberté, où l’on pouvait faire ce que l’on voulait, donc effectivement il y avait des chansons qui n’étaient pas très drôles, d’autres qui étaient très connes…

Par rapport à la scène à l’époque, tu disais que c’est à partir de 1986 que tout explose, qu’il devient plus facile de tourner ?

Karim : La période post 80 était encore une période de liberté, moins répressive qu’aujourd’hui. Il y avait des squats qui commençaient à se monter, des associations un peu partout… Mais ça restait quand même toujours de la débrouille, il n’y avait pas de subventions, ce n’était pas officiel, c’était un truc que les villes toléraient parce qu’il fallait laisser les jeunes s’amuser. Il n’y avait pas tout le délire de sécurité qu’on connaît maintenant… On laissait faire les gens. Ça a un peu duré un peu au début des années 90 mais c’est allé en se restreignant. Le réseau qui est parti de l’alternatif est devenu trop officiel à mon avis aujourd’hui. Par exemple, dans certaines villes les municipalités ont dit  : “On vous construit une salle, qui sera gérée par une boîte privée, mais par contre on n’autorise plus les concerts ailleurs “. Du coup, plein de groupes ne peuvent pas accéder à ces salles, car ils ne conviennent pas au programmateur, ils ne peuvent plus jouer, ils se remettent à faire des concerts dans le bars… On en revient un peu à la situation des années 80.

Vous n’avez jamais arrêté ?

Karim : Ah si on a arrêté  ! En 1999, on n’a jamais fait de déclaration officielle, on n’a pas fait de concerts d’adieu. On a arrêté car Charlu est parti habiter à Avignon, Bruno était pris par Sergent Garcia. Et on en avait un peu marre, ça faisait 16 ans qu’on jouait, et tu es toujours un peu prisonnier de ce que tu as fait avant. Parfois chanter “ Houlala  !”, “ H.L.M.” c’était un peu chiant, enfin pas chiant, mais on avait envie de faire autre chose. Au bout d’un moment on était un peu coincé dans notre image, on faisait du Ludwig… Il y avait aussi le côté officialisation qui commençait à nous gonfler, avec des mecs dans des salles qui te disaient : “vous n’allez pas jeter des confettis car il va falloir que je balaie après”, “hé attention, il est 22h30, il faut que je ferme la salle à 22h25  !”… On en a eu marre pendant un moment de ne rencontrer que des fonctionnaires du rock qui nous prenaient la tête, on disait au mec “ tu te rends pas compte, il y a plein de mômes qui rêveraient d’avoir ton boulot et toi tu ne fais que râler…  !” Je comprends aussi que c’est chiant d’avoir des concerts tous les jours. Mais pour nous ce n’était pas un métier, on en a vécu car de toute façon on n’avait pas le temps de faire autre chose et qu’on pouvait en vivre, mais ce n’était pas un métier. Notre métier, ce n’était pas ça, la musique c’était une envie, un besoin d’expression. Quand à la fin on arrivait dans un endroit où il n’y avait aucun contact, aucune fête, aucun échange, où on ne savait même pas qui organisait et où les mecs râlaient quand on avait cinq minutes de retard, ça n’avait plus aucun intérêt… Avant on jouait dans des conditions plus roots, ce n’était pas l’opulence, on pouvait dormir à cinq sur un matelas, mais au moins on rigolait bien  !