Comment s’est passée la rencontre des membres du groupe  ?

Baxter : Les “Neurones en Folie” se sont formés en 86. On vivait dans l’Essonne, en pleine banlieue dortoir, avec pour quotidien l’ennui, l’isolement, les inégalités, la pauvreté et le racisme. Je sortais d’un groupe punk ”Okv” avec l’intention de faire autre chose, quelque chose de plus métissé musicalement, mais surtout plus engagé, plus combatif. “Big Noise” le bassiste, croisé à la fac a tout de suite été d’accord sur le principe, et on a cherché d’autres accolytes dans les potes de la région. Le punk ayant décomplexé un grand nombre de jeunes face à la musique, la région était un vivier de musiciens. “Hulk” à la batterie nous a rejoint, on a monté une association avec plein d’autres musiciens pour avoir une salle de répète, et ensuite sont arrivés Stobal et Raboulot au sax, Rabby Baba à la trompette, et enfin Kal aux percussions.

Ça va être le line up définitif ?

Baxter : Exactement  !

Pourquoi ce nom ?

Baxter : À l’époque, j’étais étudiant en biologie, et “Neurones en Folie” correspondait bien à notre état d’esprit, révolté, énervé et engagé.

Comment décrire la scène chez vous, en banlieue en 86 ?

Baxter : L’actualité politique et sociale était très chaude en 86. Il y a les manifs étudiantes auxquelles on a participé activement, le borgne faisait des siennes, le racisme était dans la rue, c’est là qu’on se bougeait le plus. On avait une attitude très radicale face au Front National, No pasaran ! On était de banlieue, nos amis étaient blacks, beurs, asiatiques. On avait le même quotidien et la même révolte. On était aussi radicaux face à la droite au pouvoir, on a toujours refusé le système de l’argent et du capitalisme qui sépare les hommes, fabrique des frontières et qui amène malheureusement à la haine, à la révolte, à la guerre.

C’étaient aussi les débuts du rock alternatif ?

Baxter : Le réseau alterno était hyper actif, les groupes se solidarisaient et l’on a enchaîné les concerts de soutien contre la guerre, les expulsions, le fascisme, l’intolérance, le service militaire, etc. On a de très bons souvenirs de concerts sur des camions plateaux, dans la rue, avec les Bérus et Laid Thénardier lors de manifestations anti Le Pen.

Justement quels étaient vos rapports avec les autres groupes sur cette période ?

Baxter : On avait de très bons rapports avec les groupes engagés et sincères ; on sentait l’envie de former une famille contre ceux qui rêvaient d’être rock star et de signer sur une major. Étant de banlieue, nous étions un peu isolés. Nous étions très proches de groupes comme “Laid Thenardier”, “Raymonde et les blancs-becs” autres banlieusards, mais on avait aussi de nombreux liens avec les Bérus, Ludwig von 88, Washington Dead Cats et d’autres.

Quelles étaient vos références musicales ?

Baxter : Essentiellement “the Clash” et “The Redskins”, pour le métissage musical et l’engagement. Vous avez suivi le chemin de croix de tous les petits groupes… Baxter : Oui, mais on était dans le réseau alternatif… C’était encore une bonne époque pour les radios qui avaient encore le libre choix de programmer ce qui leur plaisait, loin des produits commerciaux imposés par les maisons de disques et des publicités à outrance. Du coup, il y avait un peu d’espace pour les groupes comme nous. Il faudrait aussi remercier les fanzines  ! Ils faisaient partie intégrante du rock alterno. Sans eux ça n’aurait pas pu prendre cette ampleur.

Vous avez commencé à tourner assez rapidement ?

Baxter : Notre première tournée a été assez rock’n’roll ! Nous étions inconnus, et nous sommes partis pour un tour de France organisé par Rémi notre manager. Le public était assez surpris devant tant de révolte et d’énergie. Mais c’était plutôt intéressant idéologiquement de jouer devant des gens qui n’étaient pas acquis à notre cause (loin de la branchouille parisienne) ; sinon c’était dodo dans le camion, et changement du joint de culasse sur l’autoroute. Toute une époque  !

Les morceaux de votre premier LP (sorti en 1991) étaient composés depuis longtemps ?

Baxter : Avant le premier LP, nous avions déjà sorti une cassette. Le groupe tournait déjà bien  !

Comment s’est faite la rencontre avec Nada ?

Baxter : Naturellement, on se croisait sur scène avec les Bérus, aussi, quand François a monté son label il nous a contacté.

Comment composiez-vous ?

Baxter : J’amenais la base d’une chanson à la guitare, et on arrangeait ça ensemble. Les textes étaient tirés de notre quotidien, donc forcément sociaux et humanistes, ce qui les rendait par conséquent politiques. On faisait du ska punk avec des paroles engagées.

Peut-on dire de vous que vous étiez un groupe militant ?

Baxter : On était partout, de tous les concerts de soutien, pour les assos les squats et toutes les causes humanitaires. Militants oui, mais ne faisant partie d’aucun parti ! Libres !

Quelles valeurs défendiez-vous ?

Baxter : Jouer partout où il y a de l’injustice, soutenir les bonnes causes… Refuser les maisons de disques et leurs produits. Les “Neurones en Folie” ont dû faire 80% de concerts de soutien. On a même récupéré des fringues à nos concerts, que l’on redistribuait au Secours Populaire, histoire de sensibiliser les jeunes face à ce problème.

Vous avez toujours soutenu les mouvements de squatteurs…

Baxter : Un grand combat  ! Un toit un droit. Étant moi-même à la rue, le squat est devenu le seul moyen de survivre. Même quand plus tard je gagnais ma vie, les portes m’étaient fermées. Pas de caution possible, pas de fiches de paye régulières, pas de parents garants, donc pas de logement. Même combat aujourd’hui. Alors à moi les maisons vides insalubres, et ça dure depuis 20 ans : “au secours  !!”

Quelle définition donnerais-tu au punk ?

Baxter : La provocation, le No future, la destruction (surtout auto), et la drogue dure.

Au rock alternatif ?

Baxter : La provocation, l’engagement, la réaction et la construction. Je dirais que c’est une évolution positive du mouvement punk.

Revendiquiez-vous ces images ?

Baxter : Oui, bien sûr ! Mais sans la drogue dure que l’on a toujours combattue.

EXPLICATION DE TEXTES :

Squat toujours  : Tant que tu n’as pas le choix fais-le  ! Ça reste d’actualité, et c’est encore un scandale de voir toutes ces maisons, ces immeubles abandonnés au nom de la spéculation immobilière, ou de multi-propriétaires richissimes.

Révolution ska  : Quel que soit ton mouvement, que les enragés s’associent plutôt que de se combattre.

Progrès limite  : On y arrive ! Délocalisations, ingérence, atmosphère foutue en l’air, peut-être No future ?

Misère  : Toujours et toujours ! Et plus le système est basé sur l’argent, plus elle grandit  !!

En résumé, pas grand-chose n’a changé, le combat n’est pas terminé : “Alerte Rouge”  !