O.A.F. ! : Peux-tu me faire un bref historique de Dau Al Set ?
Toma : Le groupe existait déjà en 82, mais c’est en novembre 83 qu’il a acquis une certaine stabilité. Très vite, on a eu pas mal de morceaux et notre premier concert s’est fait en direct d’une radio libre (F.M.R.) en mars 84. Après, on a pas mal tourné sur la région, sorti un maxi 45 tours début 85, réalisé des vidéos… Puis on a changé de local de répétition et on a rencontré Christian qui jouait des percussions dans un groupe de reggae. Ce qu’on faisait le branchait bien, et il a commencé à répéter avec nous, à monter sur scène. Il est devenu le cinquième membre de D.A.S. et nous permet d’aborder des thèmes plus chauds et plus colorés (reggae, ska). O.A.F. ! : Comment s’est fait le disque et pourquoi chez Negative Records ? Toma : On a décidé de sortir un disque chez Negative, parce que tout d’abord, ce sont eux qui nous ont contactés en premier en tant que label et qui ont manifesté de l’intérêt pour D.A.S. De plus, comme Negative c’est en partie les Brigades, il faut expliquer qu’on les considère comme des amis et qu’on a appris à se connaître et à s’apprécier mutuellement en jouant fréquemment ensemble (Toulouse, Corrèze, Paris). On a donc confiance en eux et il n’y a pas ce barrage au niveau du dialogue qui s’instaure généralement entre labels et musicos, pas de mensonges, de faux compliments et de magouilles. Leur mot d’ordre c’est : “honnêteté et efficacité”.
O.A.F. ! : Comment et où se situe votre engagement politique ?
Toma : Les rockers se servent souvent de politique dans leurs chansons, mais la politique, elle, en vraie putain, dessert les rockers… La Droite cartonne : Pasqua Pernod-Ricard alias Fernandel joue du pétard comme Clint Eastwood et Léotard se prend pour Kennedy, mais il faut rappeler qu’ils n’ont pas été les seuls dans ce domaine : ce sont les socialos bon teint qui ont vidé les squats (remember Cascades) et les cocos qui vident les émigrés en région parisienne. Alors ? Tous pour un, tous pourris. Il faut se dire qu’ils sortent pratiquement tous de la même école, celle du mensonge et de l’hypocrisie, et que, curieusement, leurs différences idéologiques s’aplanissent considérablement en coulisses où ils partagent la même table autour des plats qui les font vivre, c’est à dires pouvoir, fric et magouilles. Ceci étant dit, dans D.A.S., chacun a son avis sur des problèmes différents et on respecte nos idées même si certains points peuvent entraîner quelques divergences d’opinion (ce qui s’appelle le respect d’ autrui).Les courants politiques traditionnels nous intéressent très peu, en revanche ce qui est clair, c’est que nous sommes profondément anti-fasciste et anti-raciste, et que si on devait se classifier par rapport à nos actions individuelles ou collectives, on se placerait à gauche, bien que cela ne veuille plus dire grand-chose.
O.A.F. ! : Retour à la musique, de quoi parlez-vous essentiellement dans vos textes ?
Toma : Les textes sont inspirés par un panorama social très large, une vision du quotidien axée sur, le mal de vivre et le manque de communication entre les gens… Des problèmes sont également traités, comme le racisme devenu phénomène courant et accepté par la population, les relations homme/femme, le chômage et la folie… Parmi beaucoup d’autres.
O.A.F. ! : Et pourquoi chantes-tu en anglais ?
Toma : Je chante en anglais, parce qu’il me semble que c’est la langue qui convient le mieux pour le style de musique que nous faisons. D’autre part, le fait de chanter en français nécessite une très bonne assimilation de la langue, si on ne veut pas tomber dans le cliché ou sombrer dans le ridicule et nous pensons que l’anglais est phonétiquement plus adapté au rock que le français. J’ajouterais qu’il y a malgré tout de très bons paroliers dans le rock français, notamment dans des groupes tels que Single Track ou Nuclear Device, et qu’ils n’en méritent que plus de respect.
O.A.F. ! : Comment voyez-vous la scène alternative en France ?
Toma : On constate que l’ensemble des réseaux alternatifs se développe de plus en plus en France (cassettes, fanzines, disques, labels, associations…) et que c’est très bien, car ça force les médias traditionnels à s’intéresser à leur action sous peine de prendre un sacré coup de vieux. Regarde la cure de jouvence que se paie BEST en ce moment, avec les articles sur les Brigades, les Bérus ou les Garçons Bouchers… Les gros labels flippent devant les ventes des Bérus, alors qu’il y a six mois, ils se foutaient sûrement encore de leurs gueules. Tout montre que quelque chose est en train de basculer, que le système du show-biz se transforme lentement mais sûrement. D’un autre côté, toutes ces structures sont particulièrement fragiles : le manque d’argent, d’expérience, le moindre coup dur et tout est à refaire. C’est un travail de fourmi qui ne pourra pas évoluer s’il n’y a pas de cohésion entre réseaux différents, une union qui pourrait renverser les notions de pouvoir exercées en ce moment dans le monde de la musique et qui nécessiterait un sacré décrassage comme en 76 en Angleterre. D’un autre côté on n’y croit pas trop, car les réseaux indépendants sont truffés de personnalités très fortes et individualistes qui cherchent à garder un contrôle immédiat sur leurs productions et qui refuseraient, je pense, de faire des compromis s’ils étaient unis à d’autres structures. D’autre part, est-ce qu’inconsciemment, l’union des réseaux ne chercherait pas alors à se structurer selon des schémas établis où on retrouverait toutes les notions de hiérarchie, de salariat, bref, tout ce qui est rejeté en ce moment !! C’est un véritable casse-tête pour tous ces gens de bonne volonté.(…)
O.A.F. ! : Et pour finir ???
Toma : Après tous ces mots, on n’a plus faim, mais on a soif !! À bientôt avec le 33 tours, et… Con Disciplina !