Panik ça démarre en 1981 ?

Guy : En fait ça a démarré en 1980, sur Paris, mais ça ne s’appelait pas encore Panik. C’était “Exit”. Les membres étaient quasiment les mêmes, à part le batteur. Ce groupe a un peu été la première marche, ça nous a aidés à trouver notre identité. L’histoire commence avec des copains qui se retrouvent dans le train pour aller au boulot ou à l’école. Un jour une nana qu’on croisait tous les matins me dit que son copain était batteur. Ça m’intéressait, et je trouvais que Noël qui était avec nous avait une tête de bassiste… Il n’avait jamais touché de basse, mais il avait vraiment une tête de bassiste… Ça n’a fait ni une ni deux, avec Noël et le copain de cette nana, on s’est mis à jouer ensemble pour s’amuser. Ensuite, on est allé chercher Christian parce qu’il avait l’attitude…

C’était déjà du punk ?

Guy  : Moi je n’étais pas punk à l’époque, j’étais plus rock. Mes goûts étaient très larges, j’étais aussi bien influencé par les Beatles que Led Zeppelin. Je faisais de la musique depuis l’âge de 14 ans. C’était plutôt rock. On est venu naturellement au punk, ça paraissait incontournable. Christian  : Ce qui était intéressant à l’époque c’est qu’on pouvait monter un groupe sans savoir jouer. À part Guy qui savait jouer, les autres on ne savait rien faire… !

À cette période, vous avez quel âge ?

Guy  : 19, 20 ans. Christian : Moi j’étais plus vieux, j’avais déjà 23 ans. J’écoutais les Stooges depuis que j’en avais 16. Le mouvement punk, c’était vraiment le truc que j’attendais. Il y avait la musique, l’esprit, les fringues… Un jour, ils m’ont demandé de chanter avec eux et je leur ai dit pourquoi pas ? Mon idée première n’était pas de faire un groupe… Guy  : Quand on lui a posé la question, il est tombé de 15 étages, il ne s’y attendait pas du tout. À tel point qu’il ne nous a pas répondu tout de suite… En fait ça a été aussi l’occasion pour lui de vivre une expérience punk. Christian  : Mais on ne s’est jamais pris au sérieux, on faisait vraiment ça pour s’éclater. On a toujours tous bossé à côté. On venait d’un milieu assez ouvrier, à 20 ans on s’est mis au boulot parce qu’il fallait qu’on le fasse, et on bossait toute la semaine, les répètes le soir, les concerts le week-end. C’était un peu la galère… Guy  : Je ne t’explique pas la galère au début pour faire jouer ensemble des gens qui ne savent pas aligner deux accords… Au début ils n’étaient là que pour la rigolade, et petit à petit ça a muté. J’ai trouvé ça extraordinaire… On est devenu un tout. Panik, c’était un peu comme une famille, avec un projet commun. On a commencé à répéter le samedi après midi dans une école à Chènevières à côté de Champigny. Tous les gamins de la cité venaient nous voir, c’était la fiesta  !. Après on s’est fait jeter et on est parti répéter au “Parking 2.000”. Christian  : On a répété au mois six ou sept ans là-bas.

Vos premiers concerts ?

Guy  : On a commencé par jouer dans des écoles. On était complètement bruts… On n’avait pas de manager ni rien. Ce sont des copains qui nous branchaient sur des plans à gauche à droite… Mais ce qui a vraiment tout déclenché, c’est le tremplin R.T.G.B.

Qu’est ce que c’est ?

Christian  : C’était un tremplin qui permettait aux groupes de jouer dans des super salles avec des supers conditions… Les Innocents sont passés par là, les Porte-Mentaux… Guy  : C’est là qu’on a vraiment pris conscience de ce que c’était que de faire un concert. Christian  : On avait fait une première maquette, cette expérience de studio a été importante pour nous. Guy  : On est vraiment devenu un groupe à ce moment-là. Christian  : À l’époque il y avait une radio libre, R.T.H., l’ancêtre de Ouï FM, qui se trouvait à Villejuif. Un des animateurs avait bien flashé sur nos morceaux, et il n’arrêtait pas de passer notre démo. Ça nous a fait connaître, on a eu plein de contacts. Guy  : Un copain, Bernard, était devenu notre manager, et comme c’était la naissance des radios libres, il en a contacté plein. Du coup à l’époque, on a fait plus de passage en radios libres que de concerts  ! C’était une coïncidence très heureuse pour nous… Imagine toi un mouvement punk qui grandit, et l’essor des radios libres en même temps… Ça a été énorme ! Mitterrand venait de passer au pouvoir, c’était vraiment électrique  ! Mais dans le bon sens du terme, il se passait plein de choses, tout le monde respirait  !

Sur vos premières démos vous jouez les morceaux qu’on va retrouver sur le L.P. ? Guy  : Une partie. Il y en a qu’on ne rejouera plus après. On grandit, on évolue, on trouve notre voie, et certains morceaux ne nous correspondent plus. On est devenus plus punk-rock.

De quoi parlaient vos paroles ?

Christian  : Des choses qu’on regardait tous les jours et qui nous prenaient la tête. Tout autour de toi, il n’y a rien qui change, et tu écris là-dessus, parce que c’est ce qui t’empêche d’être bien. Guy  : C’était un regard ironique sur les choses, une espèce de photo, un instantané sur des moments ou des choses. Peut-on dire que vous étiez un groupe engagé ou politique ? Guy  : Engagé, oui. Mais en même temps pas tant que ça, on réagissait comme des gamins de cité qui ont travaillé pour vivre, mais aussi pour pouvoir faire de la musique. On est resté connecté tout le temps avec la réalité. Christian  : Moi j’aimais bien les groupes punk anarchistes, comme CRASS. Ce n’est pas ce que je voulais faire musicalement, mais j’aimais bien la démarche.

Vous allez participer à des concerts comme “Rock contre la police” ?

Guy  : Ce genre de concerts était tout à fait dans notre démarche. Christian  : Oui, mais souviens-toi… Il y avait plein de skinheads, et ça, c’était l’opposé de ce que l’on voulait. C’était tendu, et du coup, on a joué et on s’est cassé… Guy  : Dans les concerts parisiens, on refusait les skins… Pas en province parce qu’ils n’avaient pas la même mentalité. Christian  : À la base le mouvement skin c’était un truc ouvrier. En province, l’esprit était plus bon enfant, mais à Paris…

Vous avez beaucoup tourné en province ?

Guy  : Oui pas mal. Mais c’était vachement dur de trouver des salles… A Paris, pour jouer, c’était l’horreur. Christian  : On a quand même fait la fête de la musique au Zénith ! Notre tout premier concert à Paris, c’était au Rose Bonbon. Guy  : Avec Exit, on avait même joué au Golf Drouot.

En 1983, vous sortez votre album “L.T.D.C.” Pouvez-vous expliquer ce nom  ?

Guy  : C’est en référence à notre titre “Les Troubadours Du Chaos”. On s’appelait Panik en référence au groupe Métal Urbain, Christian  : J’adore les paroles de Clode Panik, le morceau “Numéro zéro” est énorme. Le concept c’était, comme les troubadours, d’aller de ville en ville pour prôner le chaos… Rires… Guy  : On n’allait pas dire les ménestrels quand même… Rires… Christian  : C’est vrai qu’à l’époque, on avait une image de groupe assez violent. Guy  : Aussi bien dans la musique que dans les textes… Les troubadours du chaos, c’était vraiment notre image.

Ce disque est une autoproduction  ?

Guy  : Oui, complète. Christian  : Sauf la distribution qui était faite par New Rose. Guy  : C’était un boulot énorme, une expérience unique, très sympa mais complexe. Par exemple, la pochette, avec le rose fluo, je l’avais faite au feutre entre midi et deux au boulot… Ensuite on a fait des montages photos. Le bassiste qui était dans la photogravure a réalisé la maquette de la pochette arrière. On s’est tous occupé du projet du début à la fin. Tout le monde était important dans ce projet.

Vous en étiez contents  ?

Christian  : Oui, même quand je le réécoute maintenant, pour une autoproduction je trouve qu’il a un bon son. On a enregistré ça en deux week-ends… Guy  : Le mec qui nous a enregistrés, à Houilles, (au studio Logo qu’on avait rebaptisé studio Pogo), n’y connaissait rien en punk. Il n’avait jamais bossé que sur des trucs de variété. Et ce mec a vécu l’aventure comme nous, c’était le sixième membre du groupe. Il restait jusqu’à trois ou quatre heures du matin avec nous… Christian  : Il s’est impliqué, il nous proposait des idées. Guy  : Et quand on a eu les cartons avec les disques, c’était un peu notre enfant, ça a été un moment plein d’émotion…

Il a été bien reçu  ?

Guy  : Oui, on avait sorti 2.000 exemplaires, et en même pas un an tout était vendu. Je pense que si on en avait repressé, on les aurait vendus. Christian  : Ca nous a ouvert énormément de portes. On est passé du sous-sol du Parking 2.000 jusqu’au Printemps de Bourges, des salles bondées en province où il y a tellement de monde que tu ne peux pas monter sur scène… Ca a été un choc pour nous  ! Guy  : Imagine, on répétait au quatrième sous-sol trois ou quatre jours par semaine après le boulot, et le week-end on allait faire deux trois dates en province, et là on arrivait, tout le monde nous connaissait et chantait nos morceaux. Là, on ne comprenait pas   !!! Christian  : Ensuite on va sortir sur quelques compilations.

Quand est ce que vous allez splitter   ?

Guy  : En 1986, le batteur et le bassiste s’en vont. L’histoire de Panik s’arrête un peu là. On se retrouve tous les deux, à programmer des rythmes et des basses, jouer de la guitare par-dessus pour que Christian puisse chanter… Christian  : Il y avait beaucoup de tensions entre le batteur et le bassiste.

Quel regard portez-vous sur ces années   ?

Christian  : Il y avait plein d’associations intéressantes… Guy  : Il n’y avait que les fanzines qui s’intéressaient à nous. Les fanzines c’étaient pour nous une façon d’exister, et les mecs qui les faisaient étaient comme nous, sauf qu’au lieu de faire de la musique, ils faisaient un canard, ou organisaient des concerts. Christian  : Exactement, il y en a qui faisaient de la musique, d’autres des fanzines, d’autres des assos… On faisait partie d’un tout, c’est comme ça que je le ressentais. On était heureux. On n’a pas fait de concession musicale, on arrivait quand même à faire des concerts, à avoir un petit public… On était super bien. On était les rois du monde  !