Comment est né le label “Rock Radicals Records” ?
Vlad Dialectics : L’association “Rock Radicals Records” a été créée, au départ, pour sortir les productions des Brigades, et éventuellement les disques de copains. À l’époque, il y avait tout un milieu sur Paris avec des gens qui tournaient autour des Bérus, qui n’étaient pas encore Bérurier Noir, avec Guernica, des copains de Kid Bravo. Le raisonnement était de lancer ce truc-là, et si on rentrait dans nos frais avec le premier 45 tours, essayer d’aider un autre voire d’autres groupes à sortir aussi un 45 tours…
L’essentiel des productions va quand même rester essentiellement centré autour des Brigades et de Bérurier Noir ?
Vlad Dialectics : La première production a été financée directement par les membres du groupe Brigades. Comme il s’est un peu vendu, on a pu mettre un peu d’argent de côté. Kid Bravo a décidé de sortir un disque [Split 45 tours entre Propaganda, dans lequel il joue, et La petite boutique des horreurs, NDA], puis l’album “Macadam Massacre” de Bérurier Noir. À partir de ce moment-là est arrivé Philippe Baïa, qui avait déjà apporté son soutien financier pour notre mini-album. Ce n’est plus simplement uniquement un financement des membres du groupe, et à partir de ce moment-là, la place de Philippe, tout comme dans Bondage va être très importante. Sans lui je pense que l’on aurait eu beaucoup de mal à faire autre chose que des 45 tours autoproduits. Parce que, malgré tout, si l’on comparait nos chiffres de vente qui pouvaient apparaître énormes à l’époque, et ceux des Anglais ou des Américains autoproduits, c’était très modeste. Nous, on avait des pressages de 1.000 à 5.000 exemplaires, pour les Bérus on parlera de 30.000 à 50.000 exemplaires, ce qui pour un truc alternatif en France est colossal, mais qui, comparé aux 250.000 de Stiff Little Fingers ou aux 500.000 de Clash n’était pas exceptionnel. En plus à l’époque, à part pour le premier 45 tours, on vendait la moitié des disques à l’export. Pour les 3.500 exemplaires de « Bombs n’Blood n’Capital », la moitié des exemplaires partait en Angleterre et en Allemagne. On vendait, de fait, relativement peu de disques en France.
Comment s’opère le choix de sortir les Bérus en 1983 ?
Vlad Dialectics : Si on avait fait le choix de manière collective, on aurait sorti le six titres des Brigades de Bordeaux, s’ils n’avaient pas splitté avant. Kid Bravo était copain depuis longtemps avec les gens de Bérurier Noir et de Guernica. Il a fait le choix, sans que l’on n’en ait forcément discuté tous les quatre, de favoriser Béru. Moi je les connaissais personnellement, mais je n’étais pas forcément fan de leur musique. Mais on privilégiait la démarche plus que le style musical.
L’aventure Rock Radicals Records s’est arrêtée au moment du splitt des Brigades, quand Kid Bravo et Tony Aigri ont quitté le groupe. Kid Bravo voulait partir en solo et s’essayer dans la production. Avec Marsu et Philippe Baïa, ils ont décidé de fonder Bondage.
Ensuite, avec les Brigades deuxième composition, on a refait le même raisonnement qu’au départ. On voulait faire des trucs pour nous, mais aussi pouvoir choisir des groupes qu’on aiderait ensuite. On a donc fondé Negative Records en 1985.Ça nous a permis de sortir les disques de Dau Al Set de Toulouse, les Allemands de Be Call, Red London, une compilation des Subkids ou des Electrodes.
Sur quels critères choisissiez-vous vos productions ?
Vlad Dialectics : Dans le label, il n’y avait pas que des gens du groupe, mais aussi quelques copains qui nous aidaient sur le financement. Tout le monde participait aux décisions, notamment sur le choix des productions. Notre parti pris était très anglophile, on privilégiait les groupes qui chantaient en anglais, parce qu’on savait qu’au niveau de l’industrie et des autres labels, c’était le contraire qui était fait. Le discours ambiant était : “il faut chanter en français”.
On était ouverts sur le choix des styles musicaux, on a même failli sortir un groupe de reggae. L’idée était d’être assez ouverts par rapport à l’attitude punk et reggae, en privilégiant le chant en anglais, puisque, de toute façon, il y avait de la place chez les autres pour les groupes qui chantaient en français. Politiquement on choisissait des groupes qui avaient du contenu, ou au moins une attitude. On n’allait pas relire les textes, mais en général, on travaillait avec des groupes que l’on connaissait, que l’on avait déjà rencontré avec les Brigades. Avec Negative Records, on a donc sorti l’album des Électrodes, une compilation des Subkids avec plein d’inédits, des vieilles démos, des morceaux sortis sur des 45 tours, et des morceaux originaux. On a ensuite sorti un album original de Red London, qui pour moi est bien moins bon que le premier sorti chez Gougnaf Mouvement !
Quels étaient vos rapports avec les autres labels ?
Vlad Dialectics : Les individus, on les connaissait tous, les meilleurs rapports étaient avec les gens de Bondage qui étaient nos copains. On ne partageait pas leurs choix concernant leurs priorités de production… C’est bien de dire que l’on donne à un groupe les moyens qu’aurait donné une grosse boîte. Mais donner ces moyens à un groupe, quel qu’il soit, c’est enlever les moyens à dix autres groupes qui auraient pu sortir un premier 45 tours. Pour nous, il valait mieux dix 45 tours de dix groupes biens, plutôt qu’un album particulièrement bien léché d’un groupe. C’est aussi pour ça que, lorsqu’on a eu la deuxième formation des Brigades, Rock Radicals Records a continué un moment, et est devenu Bondage, avec Kid Bravo, Philippe, et Marsu qui s’est joint. Nous, quand on a décidé de sortir un truc, on s’est posé la question de demander à Bondage. Mais on a préféré continuer dans le même état d’esprit qu’au départ, et là on décidera de monter notre propre label, Negative Records.