Comment débute l’aventure Nuclear Device ?
Patrick Ki-Ox : Nuclear Device, dans sa version définitive, c’est 83. Pascal au chant, Charlu à la basse, Chris à la batterie, Jean-Marc au saxo et moi à la guitare. Il y a aussi Loïc, “le sixième ND”, il n’était pas musicien, mais toujours sur scène depuis le début. Cette formation changera dans les huit ou dix derniers mois, quand Chema, me remplace à la guitare. Avec Chris, on était fans des Stranglers, d’où le nom du groupe qui fait référence à la chanson “Nuclear Device” sur l’album “The Raven” en 79. En 80, ça a été une grosse claque pour nous de les voir sur scène. À 15 ans, nous étions déjà pas mal imprégnés de la culture punk grâce à ce groupe, entre autres. Donc 82, c’est le moment où le groupe se forme. Chris avait déjà fait du tambour dans la fanfare d’Allonnes où nous habitions (en banlieue du Mans) et moi je grattais avec “la méthode à Dadi”… Logiquement, il a pris la batterie, moi la guitare et mon frangin, le fainéant, sa voix… Il y avait tellement de complicité entre nous (Pascal, Chris et moi au départ), que si on n’avait pas fait un groupe ça aurait été autre chose… Un canard, du théâtre ? On a fait un premier concert dans la rue, sous le nom de Nuclear Device, pour la première fête de la musique (21 juin 1982) avec une formation non définitive. Rapidement on a rencontré Charlu, qui était un peu plus vieux, et qui jouait déjà dans un groupe de reggae local. Ensuite, on a fait un petit concert au lycée, et l’année d’après on devait refaire le même concert, et là le lycée n’a pas donné pas son autorisation. C’est là qu’on a fait nos premières armes en communication visuelle, on avait placardé le lycée avec une affiche du concert prévu, barré en gros par la mention : “concert interdit par l’administration du lycée”. Le visuel de l’affiche, c’était trois gardes civils. On était déjà fixés sur la guerre d’Espagne, le franquisme, les Brigades Internationales, c’était déjà des choses qui nous parlaient beaucoup. Je ne te raconte pas le tollé dans le lycée, et le concert a été annulé… Jean-Marc rencontre le groupe dans l’année et c’est “le coup de foudre”. C’est le début de Nuclear Device. On avait 16-17 ans quand on a commencé la musique. Un de nos premiers morceaux a été une reprise des Redskins, à l’époque où ils faisaient encore du punk de base : “Lev Bronstein”. On était des jeunes bien énervés et bien enragés.
Ce n’est pas donné à tout le monde, en 82, de connaître “Lev Bronstein” ?
Patrick Ki-Ox : Je ne sais pas comment cela est arrivé… On avait un bon copain, qui s’appelait Étienne Sauvage, qui avait une dizaine d’années de plus que nous. Il avait une très bonne culture musicale, et politique. Je pense qu’il nous a fléchés beaucoup de choses. Un peu plus tard, on joue au Mans pour un tremplin avec, entre autres, les Brigades. Ils nous ont vu jouer, et après le concert nous ont dit : “C’est vachement bien votre groupe, c’est cent fois mieux que Corazon Rebelde” (groupe parisien de fils d’exilés chiliens, que nous apprécions pas mal à cette époque)…
C’est vrai que par le biais de vos paroles, de votre iconographie, vous aviez cette image de groupe politique et politisé ?
Patrick Ki-Ox : Oui, révolutionnaires, marxistes… C’était sincère, mais malgré tout sortis de la scène musicale, politiquement on était assez “faibles”, pas plus impliqués que ça dans notre ville par exemple… Je ne dirais pas la même chose d’un groupe duquel on était vachement proche, Kortatu au Pays Basque, qui à côté de l’engagement politique par la musique étaient de réels militants sur le terrain… Nous, on était plus légers par rapport à ça. À la fin, on était beaucoup dans l’antifascisme de base et je pense qu’il aurait fallu se poser des questions plus profondes… Mais bon, c’est facile de dire ça plus de 20 ans après…
Quel était l’état de la scène en province ?
Patrick Ki-Ox : Il y avait des groupes dans la scène française, comme les Olivensteins, Métal Urbain, Orchestre Rouge qui étaient des références pour nous. Pour le reste, on était plutôt branchés sur l’Angleterre et la Jamaïque. On écoutait des groupes punks ou skins, comme UK Subs, Discharge, Angelic Upstarts, les Outcasts, et beaucoup de reggae, de rocksteady. Rapidement on a bifurqué vers des groupes de ska, la scène Two-Tone, la musique noire et les groupes de punk qui s’ouvraient à d’autres univers, comme les Clash, les Ruts, the Slits, Au Pairs… On a découvert la scène “parisienne” quand on a rencontré les Brigades et Rock Radicals Records. On a commencé à monter sur Paris, et à se connecter naturellement avec le “réseau alternatif”.
À l’époque, vous jouez déjà les morceaux que l’on va retrouver sur le premier disque ?
Patrick Ki-Ox : Oui, dès le début, on fait nos propres compositions et toujours deux, trois reprises en concert… Donc dès la fin de ce concert/tremplin, Les Brigades nous proposent d’enregistrer sur “Rock Radicals Records” leur propre label. On ne se sentait pas tout à fait prêts musicalement, alors on leur a demandé un petit peu de temps. On les a recontactés six mois, ou un an après, pour leur dire qu’on était enfin ok. On n’avait pas assez de morceaux pour faire un album, alors on a sorti un maxi, “45 révolutions par minute”. On l’a enregistré au studio W.W., quai de la gare, avec Patrick Woindrich, en une petite semaine mixage compris. Kid Bravo, qui a produit tous nos disques, était exigeant, il trouvait que l’on jouait mal. C’est vrai qu’on était des mauvais musiciens… On lui disait : “On est punks, dès qu’on a su faire deux accords, on a fait notre groupe, normal quoi !” et ça, il n’aimait pas, il nous répondait que les Brigades aussi c’était du punk, et c’est vrai que c’était des bons musiciens par rapport à nous ! C’était notre première expérience de studio, pas toujours évidente, mais on se marrait bien quand même, il y avait une bonne ambiance entre nous tous… C’était la première confrontation entre l’homme et son instrument et j’ai le souvenir que la confrontation fut rude, car l’écoute de chaque instrument, ou voix, en solo et en cabine montrait toutes nos imperfections techniques, et il y en avait… Je pense que cela a aussi contribué à mettre en évidence notre manque de technique et de rigueur musicale et que, finalement, cela nous a fait progresser. Quand on réécoute les albums de ND c’est assez connoté années 80… Et en plus, le manque de recul dû à notre jeunesse, et la vitesse de réalisation de l’album sont marqués par un manque de qualité sonore du rendu. Notre regret, c’est de ne pas avoir enregistré de live. C’était le projet qu’on avait avant la séparation. Parce qu’en fait, Nuclear Device, c’était un groupe qui sonnait sur scène. Les morceaux étaient joués pratiquement deux fois plus vite, tout à fond ! Donc sortie du premier album, il fallait qu’on fasse la pochette. La photo a été prise par le père de Chris, devant des barres HLM à Allonnes où des Chiliens étaient venus faire une fresque la même année, ils étaient encore sous Pinochet bien sûr. Mais la photo a été détourée, et l’on ne voit plus la fresque… Rires… Aucun de nous n’avait de connaissance en graphisme, on avait une sensibilité par rapport à l’image, mais aucun savoir-faire. C’était l’époque du système-D dans tous les sens, les choses se faisaient quand même.
Il y a une forte influence moderne, constructiviste que l’on va retrouver sur les autres pochettes ?
Patrick Ki-Ox : Oui, on était complètement influencé par ce courant. On adorait jouer sur ces registres, on découpait, on utilisait de vielles typos en bois, comme pour la pochette de “Tonnerre à la une” que Chris a réalisée, on a tout imprimé nous-même. On découpait, on faisait de la photocopie… On était fils de militants PC, donc de temps en temps on allait faire des collages avec notre père, et à l’époque, c’était le collectif Grapus qui concevait les affiches, entre autres pour le Parti Communiste. Grapus, c’étaient des graphistes militants qui faisaient des affiches sublimes. On avait été confrontés à des images de luttes percutantes et intelligentes.
Le graphisme, l’esthétique étaient des choses importantes dans Nuclear Device ?
Patrick Ki-Ox : L’image. Ce n’est pas quelque chose que l’on a posé comme ça, c’est un truc qui s’imposait naturellement, on avait une sensibilité, c’est tout. En fond de scène, on avait une fresque immense, peinte sur calicots, qui représentait Yves Montand dans le film “Z”. Ensuite, pour l’album “Western Électrique”, on a fait un paysage un peu… western ! On faisait aussi pas mal de pochoirs dans la rue, c’était chaud parfois… On personnalisait nos fringues, nos guitares… Des punks, quoi. On avait déjà une bonne expérience du fanzinat. En 1980, au lycée, on était déjà dans ma piaule avec une ronéo à l’essence en train de faire un fanzine qui s’appelait “Parle à mon cul, ma tête est malade”, qui était très punk… Un truc très déconne où Chris assurait des super crobars, les textes venaient de lui aussi, de Pascal et d’autres potes… Une des premières affiches du groupe est née d’une rencontre avec une imprimerie militante du Mans. On est allé les voir, en leur disant : on a besoin d’affiches, on n’a pas de thune, mais par contre on est cinq, plutôt dégourdis de nos mains, est-ce qu’on ne pourrait pas faire un troc, retaper les locaux… Les mecs nous ont trouvés sympa, et nous ont dit : “OK, refaites-nous la façade en blanc, et l’on vous imprime 2.000 affiches”.
Dès le premier 45 tours, on retrouve une influence espagnole évidente ?
Patrick Ki-Ox : Ça vient de notre éducation, du milieu dans lequel on vit. Des parents militants, c’est aussi l’époque des derniers garrottés en Espagne, la révolution au Nicaragua… On a aussi lu des choses sur la guerre d’Espagne, sur les Brigades Internationales. Quand tu as une sensibilité politique de gauche, l’Amérique latine, la guerre d’Espagne, ce sont des ressources énormes qui te nourrissent, qui alimentent tes utopies.
Vous avez beaucoup de chansons en réaction à l’actualité ?
Patrick Ki-Ox : À cet âge et dans ce milieu les formes d’injustice et de racisme sont forcément des sources de combat. Rappelons qu’entre 86 et 88, le Front National est en plein essor, et que le tandem “Pasqua-Pandreau” est au gouvernement. Oui, tu penses à Habib Grimzi ? un jeune algérien défenestré dans le train Bordeaux-Vintimille, par des militaires en permission. Oui, on réagissait beaucoup… Ouvea, les événements en Kanakie, en 88. Ou même Prétoria, sur “l’apartheid” en Afrique du sud qui symbolisait l’archétype de l’injustice et du racisme. Malik Oussekine, on n’a pas fait de chanson dessus, mais on en parle dans un de nos textes… Ça faisait partie de notre vision du groupe, avoir des textes engagés, en réaction, on n’était pas là pour chanter des chansons d’amour ou sur l’existentialisme… Même si c’est un postulat qui est un peu rapide avec le recul…
Après votre maxi, vous sortez votre premier album “Tonnerre à la Une” ?
Patrick Ki-Ox : Oui, en 86, chez Bondage. On restera chez eux du début à la fin. On était avec eux, c’était nos potes, la question ne se posait même pas de changer. Comment fonctionniez-vous avec Bondage ?
Comme on n’était pas sur Paris, on se rencontrait au moment des concerts et des enregistrements, et quelquefois pour des réunions. Je pense qu’ils se voyaient beaucoup plus avec les groupes parisiens. C’était Chris qui portait la casquette de manager et qui se déplaçait souvent à Paris. À l’époque, il n’est jamais question de contrat… Tous les aspects techniques qui peuvent exister aujourd’hui pour l’édition d’un disque étaient carrément inexistants pour nous. Personne, des deux côtés, ne cherchait à clarifier les choses. Ça peut paraître bizarre aujourd’hui, mais on s’en foutait, ça ne nous venait même pas à l’idée. C’était surtout Jean-Yves (Kid Bravo) notre interlocuteur, c’est lui qui va produire nos disques… Il venait souvent aux concerts pour nous donner son avis. Il y avait aussi Marsu, dont nous étions assez proches, on reste en contact.
Quelle était votre vision du rock alternatif, ou du mouvement alternatif ?
Patrick Ki-Ox : Au départ, on avait une vision très restreinte du mouvement. Mais dès le début on le revendiquait. C’est quelque chose qui se retrouvait sur tous les volets de notre activité, qu’elle soit artistique ou militante. Il n’était pas question pour nous de faire autrement que de sortir des disques de cette façon-là, avec un contrôle à tous les étages : le prix, la façon de le faire… Artistiquement, il n’était pas question que l’on dénature ou que l’on oriente notre création… Même si on partait de loin ! Mais ça concernait aussi l’organisation des concerts, leur prix. Par rapport à ça, on voulait toujours que ce soit le moins cher possible, le plus accessible possible, on avait aussi des exigences au niveau de la sécurité du public. On a été assez fiers de notre coup, lorsqu’on a joué au Printemps de Bourges avec les groupes du label, d’avoir pu négocier le prix du concert et imposer notre service d’ordre… Les gens des assos qui organisaient des concerts, étaient des gens dans le même bateau, sauf que l’on était derrières des guitares, on aurait très bien pu être à leur place. C’est d’ailleurs ce que feront certains membres du groupe à la séparation. On était conscient de leur investissement, on baignait tous dans le même esprit. Une utopie collective, se prendre en main, faire les choses… Nous, on était quand même conscients qu’il se passait un truc, que les gens se prenaient en main pour organiser leurs concerts, sortir leurs disques, faire leurs tee-shirts… L’histoire du groupe s’est quand même étalée sur six, sept ans. Et donc le mouvement alternatif n’était pas le même en 83, qu’en 88 ou 89. C’était hyper mouvant, et nous, on bougeait avec.
Quels étaient vos rapports avec les autres groupes de Bondage ? Patrick Ki-Ox : On tournait souvent ensemble, et nous n’étions pas si nombreux sur le label. Ça se passait vraiment bien, que ça soit avec les Ludwig, les Bérus, les Washington Dead Cats, ou les Dirty District on était tous potes.
Vous avez beaucoup tourné avec Kortatu ? Patrick Ki-Ox : Oui, au Pays Basque Sud, en Suisse… Des concerts mémorables à Genève… Le lieu des concerts n’était pas divulgué, le public ne le connaissait qu’au dernier moment. Le rendez-vous était à 20h dans un parc, le concert commençait à 20h15 dans des parkings couverts, et les gens marchaient du parc au lieu du concert, pour que les flics se retrouvent devant le fait accompli et qu’ils ne puissent pas intervenir. On avait joué au petit Rex à Paris avec eux aussi. On était bien potes. Bondage avait fait quelque chose de fort… Kortatu avait sorti un disque qui avait été censuré (bipé) en Espagne, et on l’avait fait sortir en France par Bondage non censuré. C’était leur live, où des mecs, entre les chansons gueulent des slogans pro ETA. On a continué à être en contact après Kortatu, avec Negu Gorriak… Jusqu’à un concert à Montréal en 2000…
Vous avez participé à la tournée Géronimo en 1989 ?
Patrick Ki-Ox : On a beaucoup joué pour le Scalp. Je me souviens d’un concert avec eux, où la buvette du concert devait contenir une douzaine de cocktails molotovs prêt à l’emploi en cas d’attaque des fachos. Dans le groupe, personne n’a le souvenir d’une “tournée Géronimo”, on a joué sous cette affiche, mais ce n’était pas vraiment une tournée proprement dite…
Par rapport à la montée du FN ? Patrick Ki-Ox : On était forcément sensible à la montée du FN, on suivait ça de prêt. On était plus qu’agacé de voir la gauche, le parti communiste, minimiser la chose. En 83 on a joué pour la marche des beurs. Mais on était plus attiré par l’action directe, les concerts dans la rue, les manifs, les squats, etc. Avec le recul, comme je te le disais, je crois que sur le racisme par exemple, nous n’utilisions pas les bonnes armes. Quand tu vois le chemin qu’ont fait Le Pen et ses idées depuis 25 ans, si tu le compares avec la progression de l’antifascisme radical tu pleures ! Je suis un peu cynique, mais l’autre jour en voyant une affiche du Scalp, j’avais mal de voir les mêmes mots, la même rhétorique, les mêmes images qu’il y a 20 ans, identiques ! De plus avec la montée du FN venait la montée des fascisants de tous poils, et dans toutes les villes des clivages entre jeunes se formaient, chacun choisissait son camp. Ce qui donnait des concerts parfois un peu mouvementés, c’était chaud, parfois trop chaud…
Et le Nicaragua dans tout ça ?
Patrick Ki-Ox : On a fait une chanson sur le Nicaragua, qu’on n’a jamais enregistré en studio. Il y avait eu l’album des Clash, Sandinista, qui était assez éclairant sur la question… En 79, donc il y a la révolution Sandiniste, et pendant toute l’histoire du groupe, on va voir les yeux rivés sur ce pays, sur le FSLN. On ne va jamais pouvoir y aller, mais quand le groupe va s’arrêter, c’est une des premiers voyages que je vais faire. Depuis, j’y suis retourné une dizaine de fois et en 98, avec un copain on a traversé l’Amérique centrale et le Nicaragua à vélo, mais c’est une autre histoire…
Comment se prend la décision d’arrêter Nuclear Device et de passer à ND ?
Patrick Ki-Ox : Nuclear Device devient ND plus ou au moment où je quitte le groupe en 1989. Chema me remplace à la guitare. Cette dernière partie de l’existence du groupe durera un peu moins d’une année. C’est là que sort le dernier maxi “Je suis un évadé” et qu’à lieu le tout dernier concert du groupe, à Rome. Depuis que le groupe existe, plein d’évolutions se sont produites : politiques, sociales mais aussi musicales avec des nouvelles tendances qui peuvent faire changer les mentalités. Chacun des membres du groupe a pris du recul par rapport à son activité musicale et chacun cherchait sa “voie d’adulte”. Je pense que tout le monde était conscient qu’il fallait s’arrêter ou changer. Le mouvement alternatif était à son tournant et il fallait soit rentrer dans un système plus conventionnel pour pouvoir vivre de la musique et continuer, soit quitter le mouvement et faire autre chose. On disait à l’époque que ND voulait dire “Nouveau Départ”. Le passage à N.D. marquait une volonté de faire autrement. La construction et la sortie de l’album “Je suis un évadé” allait dans le sens du changement (évadé vers une autre histoire), mais il n’a pas été suffisant pour que chaque membre du groupe y retrouve ses billes. En ce qui me concerne, les sept années de “road movie concert “ en Europe commençaient à me peser, et la perspective de faire autre chose prenait le pas sur le monde du rock alternatif. J’ai adoré ces années alternatives et je pense que cette expérience a été éminemment enrichissante mais il faut savoir quand s’arrêter et c’est pourquoi je savais que le concert de Rome serait le dernier.
“Deprisa” : Patrick Ki-Ox : C’est Carlos Saura, “Vivre vite”, le titre original est “Deprisa deprisa”. C’est le film culte de Nuclear Device. Un road movie sur des gitans en Espagne, qui font des petits casses, du business… Et tout est assez authentique, il fait jouer des jeunes gitans, la bande son est énorme, des groupes espagnols comme Los Chungitos (qu’avait repris Manu Chao dans les Hot Pants)… C’est punk !
“Habib Grimzi” : Patrick Ki-Ox : C’est en rapport avec le fait divers, les militaires qui balancent Habib Grimzi par les fenêtres du train Bordeaux-Vintimille. Un acte raciste, qui coûte la vie à quelqu’un, à un moment où le Front National commence à monter. Il passe d’un truc marginal contre lequel il était facile de s’opposer, même physiquement, à truc plus gros, plus poli aussi. C’était aussi le moment de la marche des beurs… Un fait-divers sordide qui pue le racisme ordinaire…
“Le chant des partisans” : Patrick Ki-Ox : Je ne sais plus comment ça s’est passé, qui dans le groupe a voulu reprendre le chant des partisans. Ça fait partie des quatre ou cinq morceaux de Nuclear Device auquel on reste très attaché. Ça nous a valu une pleine page dans l’Humanité quand on a fait le printemps de Bourges !
“El gran corrido” : Patrick Ki-Ox : Un hommage que nous faisions à Léon Trotsky et à sa mort tragique au Mexique. Il existe une vidéo du groupe filmée par FR3 Régional en studio, un clip de cette chanson… Ce n’était pas du play back, mais bien une version “live” filmée avec les effets bien 80’s, un truc incroyable, on doit avoir 17, 18 ans, ça déchire !